lundi 9 avril 2018

Doris Lussier: "La tombe est un berceau"


Doris Lussier: « La tombe est un berceau »
 
Doris Lussier, 1918- 1993

Samedi dernier, j’ai présidé les funérailles de mon bon ami, monsieur Florent Daneau. Avant de mourir, il a exprimé le désir que quelqu’un lise lors de ses funérailles, un texte écrit par monsieur Doris Lussier, intitulé: « La mort est un berceau ». Le fils aîné de M. Daneau, Yvon, a donc lu ce texte aux funérailles de son papa. J'ai ajouté un autre texte de Doris Lussier sur la mort, où il reprend les mêmes idées mais avec quelques différences. 


Écrivain et humoriste québécois, Doris Lussier (15 juillet 1918-28 octobre 1993), créa un personnage comique, "le père Gédéon", qu'il interpréta tout au long de sa vie et qui fut adopté par l'écrivain Roger Lemelin dans son feuilleton célèbre « Les Plouffe » en 1954. Doris Lussier fut également au milieu des années 1940 secrétaire du père Georges-Henri Lévesque, fondateur de la faculté des sciences sociales de l'Université Laval de Québec.

Doris Lussier a longuement et profondément médité sur la mort, en lien direct avec la vie. La vie, voyage du berceau  au tombeau, ne termine pas avec la mort, croit-il  et espère-t-il. La mort n'est que prélude à une vie éternelle. Voici comment il envisageait la mort en général et sa propre mort : 


La tombe est un berceau

Je n'ai qu'une toute petite foi naturelle,
fragile, vacillante, bougonneuse et toujours inquiète.
Une foi qui ressemble bien plus à une espérance qu'à une certitude.

Mais voyez-vous, à la courte lumière de ma faible raison,
il m'apparaît irrationnel, absurde, injuste et contradictoire
que la vie humaine ne soit qu'un insignifiant passage
de quelques centaines de jours sur cette terre ingrate et somptueuse.
Il me semble impensable que la vie, une fois commencée,
se termine bêtement par une triste dissolution dans la matière,
et que l'âme, comme une splendeur éphémère, sombre dans le néant
après avoir inutilement été le lieu spirituel et sensible de si prodigieuses clartés, de si riches espérances et de si douces affections.
Il me parait répugner à la raison de l'homme autant qu'à la providence de Dieu que l'existence ne soit que temporelle et qu'un être humain n'ait pas plus de valeur et d'autre destin qu'un caillou.

J'ai déjà vécu beaucoup plus que la moitié de ma vie;
je sais que je suis sur l'autre versant des cimes et que j'ai plus de passé que d'avenir.
Alors j'ai sagement apprivoisé l'idée de ma mort.
Je l'ai domestiquée et j'en ai fait ma compagne si quotidienne qu'elle ne m'effraie plus…ou presque.

Au contraire, elle va jusqu'à m'inspirer des pensées de joie.
On dirait que la mort m'apprend à vivre.
Si bien que j'en suis venu à penser que la vraie mort, ce n'est pas mourir,
c'est perdre sa raison de vivre.
Et bientôt, quand ce sera mon tour de monter derrière les étoiles, et de passer de l'autre côté du mystère, je saurai alors quelle était ma raison de vivre.
Pas avant.

Mourir, c'est savoir, enfin.
Sans l'espérance, non seulement la mort n'a plus de sens,
mais la vie non plus n'en a pas.
Ce que je trouve beau dans le destin humain, malgré son apparente cruauté,
c’est que, pour moi, mourir, ce n’est pas finir, c’est continuer autrement.
Un être humain qui s’éteint, ce n’est pas un mortel qui finit,
c’est un immortel qui commence.
La tombe est un berceau.
Mourir au monde, c'est naître à l'éternité.

Car la mort n'est que la porte noire qui s'ouvre sur la lumière.
La mort ne peut pas tuer ce qui ne meurt pas. Or notre âme est immortelle.
Il n’y a qu’une chose qui peut justifier la mort…. C’est l’immortalité.
Mourir, au fond, c’est peut-être aussi beau que de naître.
Est-ce que le soleil couchant n’est pas aussi beau que le soleil levant ?
Un bateau qui arrive à bon port, n’est-ce pas un événement heureux ?
Et si naître n’est qu’une façon douloureuse d’accéder au bonheur de la vie,
pourquoi mourir ne serait-il pas qu’une façon douloureuse
de devenir heureux ?

La plus jolie chose que j'ai lue sur la mort, c'est Victor Hugo qui l'a écrite. C'est un admirable chant d'espérance en même temps qu'un poème d'immortalité.

"Je dis que le tombeau
 qui sur la mort se ferme
Ouvre le firmament,
Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement."

Doris Lussier  


Mourir

Il m'apparaît impossible que la vie humaine,
une fois commencée,
se termine bêtement;
et que l'âme, comme une splendeur éphémère,
sombre dans le néant,
après avoir inutilement été le lieu spirituel
de si riches expériences
et de si douces affections.

Pour moi, mourir ce n'est pas finir,
mais continuer autrement.
Un être humain qui s'éteint,
ce n'est pas un mortel qui finit,
mais un immortel qui commence.
La tombe est un berceau.

La mort n'est pas une chute dans le vide,
mais une montée dans la lumière.
Quand on a la vie,
ce ne peut être que pour toujours.
Mourir, c'est aussi beau que naître.
Est-ce que le soleil couchant n'est pas aussi beau
que le soleil levant ?

Si naître est une façon douloureuse d'accéder à la vie,
mourir ne serait-il pas une façon douloureuse
de devenir heureux ?

Doris Lussier (1) 


(1) Encyclopédie sur la mort | Mourir (et La tombe est un berceau)

agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/mourir_et_la_tombe_est_un_berceau

Pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas le personnage coloré du Père Gédéon, créé par Doris Lussier, voici une vidéo de circonstance puisqu'il y est question du temps des sucres, du sirop d'érable et du pape. Nous vivons en ce moment au Québec, le "temps des sucres", où plusieurs personnes fréquentent les "cabanes à sucre", pour y déguster le sirop d'érable. 

Le père Gédéon, Pierre Marcotte à Montréal en direct.1985 - YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=n9yjZlOxTFw
26 mars 2017 - Téléversé par forget andre
Le père Gédéon ( Doris Lussier) Pierre Marcotte à Montréal en direct.1985.



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