mercredi 12 février 2014

Qui est le souffrant ?

Qui est le souffrant ?

Je désire aujourd’hui, vous partager un événement que j’ai vécu de très près. Un homme était à l’agonie dans un hôpital. Manifestement, il n’avait plus que quelques heures à vivre; une journée ou deux, tout au plus. Il était parvenu à cette étape où la personne, dans un plus ou moins grand coma, a de la difficulté à respirer et émet des sons étranges. Le fils de cet homme, ne pouvant plus tolérer de voir son père dans cet état, a demandé à une infirmière de faire ce qu’elle pouvait pour que son père arrête de souffrir. Par cette demande, il était clair que le fils demandait à l’infirmière, de poser un geste pour « achever les jours » de son père. Quelques minutes plus tard, l’infirmière arrive avec une seringue, et administre un liquide dans les veines du mourant. En très peu de temps, l’homme meurt.

Il n’est pas facile de connaître la vérité de ce qui s’est passé ce jour-là. Mais voici mon interprétation : le mourant, au moment où son fils demandait à l’infirmière d’alléger ses souffrances, ne souffrait pas du tout. De cela, je suis absolument certain. Ce n’est pas parce que le mourant manifeste des difficultés à respirer, qu’il souffre. C’est là toute la science des soins palliatifs. Le mourant recevait à dose « normale » de la morphine, pour empêcher qu’il souffre. Il ne souffrait donc pas. C’est le fils qui souffrait, en s’imaginant que son père souffrait. Or, la souffrance du fils était illégitime; on aurait dû lui faire savoir clairement que son père ne souffrait pas du tout. C’était le rôle, selon moi, des employés de l’hôpital d’apaiser le fils. Le souffrant, c’était l’homme en bonne santé. Et sa souffrance était illégitime, ou, du moins, non fondée.

Je pense que l’infirmière a répondu à la demande du fils et a injecté une dose de morphine plus forte que la normale; ce qui a précipité la mort de l’homme en fin de vie. De cela, évidemment, je ne peux pas être absolument certain. Mais j’ai été étonné de voir la rapidité avec laquelle l’homme est décédé, après avoir reçu la dose qui, selon moi, était « mortelle ». Si tel est le cas, l’infirmière a posé un geste d’euthanasie. Sa réaction est beaucoup plus difficile à expliquer. C’est comme si elle était incapable de gérer émotionnellement l’inconfort du fils. Pourtant, elle savait, elle, que le mourant ne souffrait pas. Pourquoi ne pas avoir apaisé le fils, en lui disant clairement et fermement que son père, malgré toutes les apparences, ne souffrait pas du tout?

L’Église catholique est contre l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire le fait de maintenir artificiellement des personnes en fin de vie. Il est tout à fait moral de « débrancher » certaines personnes et de les laisser mourir « normalement », de leur « belle mort », comme on dit parfois (j’ai décidé d’employer cette expression, même si je la trouve un peu bizarre).

Et il est tout à fait moral de faire en sorte que le patient ne souffre pas, en lui injectant, par exemple, de la morphine à intervalles de plus en plus rapprochés, si nécessaire. Mais personne n’a le droit d’injecter volontairement une dose trop forte de morphine, dans le but de mettre fin plus rapidement à la vie du patient. Voilà, selon moi la pensée de l’Église catholique sur les soins à prodiguer en fin de vie. Et je trouve cette position tout à fait normale et humaine. Le contraire, par contre, m’apparaît clairement inhumain et immoral.


Vendredi le 14 février : j’ai reçu hier, le message suivant d’une très bonne amie :

Bonsoir. Merci d'avoir écrit sur l'euthanasie.  J'appuie à 125% votre opinion sur ce point. Je me souviens trop de mon beau-frère décédé en 1996. Il souffrait d’emphysème depuis deux ans et était hospitalisé Le jour de Pâques, le médecin avait prévenu la famille qu'il devait mourir ce jour-là. Ma soeur et ses quatre grands enfants, étaient à son chevet, puis  il n’est pas mort. 

Le plus vieux de ses enfants, qui avait vingt ans, a dit à son père, le lendemain : « Pourquoi le médecin n'est pas venu te donner une piqûre pour terminer tes jours sans douleur? »

Mon neveu a eu droit à deux réponses :  

« Je ne souffre pas et si je souffre, je crois que mes souffrances valent quelque chose. »

« Je vous ai appris à vivre, maintenant je vous apprends à mourir et cela arrivera à l'heure de Dieu. » 

Il est décédé le 15 août, quatre mois plus tard.






1 commentaire:

  1. La souffrance des uns n'est assurément pas la souffrance des autres ... - ACG

    De là sont mes réticences face à l'euthanasie... et aux dérives possibles autant émotives, familiales, personnelles, psychologiques, et médicales voire éthiques, que le tout peut engendrer.

    Je revois mon père, ma mère et nous les enfants... avoir à prendre une telle décision plutôt grave, il y a aura 20 ans le 6 décembre prochain... quand son médecin traitant, un merveilleux médecin avec un cœur grand comme un hôpital, si je puis utiliser cette expression ... nous a fait savoir que notre père et époux, vivait une lente agonie... Maman a eu des problèmes de conscience... longtemps après mais elle fût rassurée par la suite.

    Je songe par le fait même, à mon époux, Yves, ainsi qu'à la belle-famille, il y aura 17 ans le 2 septembre prochain.

    Que de souffrances de part et d'autres ...

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