dimanche 26 février 2012

Premier dimanche du carême

Premier dimanche du carême :

À chaque premier dimanche du carême, l’Église nous invite à méditer les tentations de Jésus au désert. Cette année, nous lisons saint Marc magnifique dans sa brièveté :

« Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. » (Mc 1, 12-13)

Jésus venait d’être baptisé : Jésus a commencé sa mission publique par la réception du baptême des mains de son cousin Jean (le Baptiste). Nous aussi avons commencé notre mission en recevant le baptême. Le baptême est au centre des quarante jours du carême. Dans les cathédrales du monde entier, les catéchumènes (les adultes qui se préparent au baptême) ont vécu aujourd’hui « l’appel décisif ». L’évêque a officiellement et solennellement appelé les catéchumènes au baptême qu’ils recevront lors de la vigile pascale. Le baptême, la vie divine, est le grand cadeau de Pâques. La vie divine, la vie trinitaire nous a été redonnée grâce à la mort et la résurrection de Jésus.

Durant quarante jours, les baptisés se prépareront à renouveler leurs promesses baptismales : à renoncer à Satan et à professer leur foi en Dieu et en l’Église. Le lien avec l’évangile d’aujourd’hui est donc évident. Quarante jours pour se préparer à renouveler de telles promesses, c’est vraiment court. Lorsque deux personnes s’aiment, elles se font souvent des promesses. Les époux, le jour de leur mariage, se promettent de s’aimer toute leur vie, se promettent fidélité. Dans quarante jours, nous promettront à Dieu de vivre comme ses enfants bien-aimés. Ce n’est pas peu que de faire des promesses à Dieu. C’est extraordinaire que de vouloir et pouvoir promettre des choses à Dieu. Comme c’est grand ! Demandons à l’Esprit Saint de nous aider à faire ces promesses avec sincérité et vérité.

Aussitôt l’Esprit le pousse au désert : L’Esprit pousse Jésus au désert. Nous avons tous vécu l’expérience un jour d’être poussé par quelqu’un. Lorsqu’on nous pousse, nous ne sommes plus, en quelque sorte, maîtres de nous-mêmes, nous sommes comme forcés de bouger et parfois même de perdre pied. Il y a quelque chose d’irrésistible dans le verbe « pousser ». Demandons à l’Esprit Saint de nous pousser en carême. Nous ne choisissons pas la date d’entrée en carême; parfois nous trouvons que le carême commence un peu tôt. Oui, demandons à l’Esprit de nous pousser en carême. Il y a de cela quelques années, je fus émerveillé de constater que Jésus a commencé sa vie publique non pas en allant prêcher la bonne nouvelle ou en allant prouver la bonté de Dieu par des miracles, mais bien plutôt en allant se cacher de nouveau pendant quarante jours « dans le désert ». Quel enseignement extraordinaire! La vie chrétienne, la vie des baptisés est essentiellement un combat, une lutte. Une lutte sur nous-mêmes. Le plus grand de tous les combats se joue au-dedans de nous. Il se joue au-dedans de nous, dans notre cœur, mais sous l’influence de quelqu’un d’extérieur.

Et dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan : Il y a vraiment quelque chose de pénitentiel dans le verbe « rester » utilisé par l’évangéliste Marc. Dans le désert il resta quarante jours. J’imagine que Jésus a eu souvent la tentation de sortir du désert. Le désert est un lieu terrible. J’ai toujours désiré pour ma part, faire l’expérience du désert. J’aimerais beaucoup un jour aller au désert, mais non pas seul et surtout pas durant quarante jours. La chaleur, le vent, le sable, le peu de nourriture, le peu d’eau, sont autant d’éléments qui ne m’attireraient pas à vivre un long séjour au désert. De plus, Jésus savait très bien qu’en allant au désert, Il allait à la rencontre de quelqu’un et de quelqu’un encore plus terrible que le désert lui-même : le prince des ténèbres, le père du mensonge; celui que la bible appelle le Satan, l’adversaire. On pourrait dire l’adversaire avec un grand « A ». Satan n’est pas très à la mode en cette ère postmoderne. Pour plusieurs de nos contemporains, Satan n’est qu’une vue de l’esprit, un être imaginaire sorti tout droit du côté obscur de l’être humain mais non pas indépendant de lui et extérieur à lui. Voilà l’erreur; voilà la grand victoire moderne de Satan : faire croire à l’être humain du vingt et unième siècle qu’il n’existe pas, qu’il est une fable et une vue de l’esprit.

Et pourtant, le Mauvais (c'est ainsi que le qualifie le Catéchisme de l'Église catholique) (1) est présent du début à la fin de la Parole de Dieu; de la Genèse à l’Apocalypse. La parole de l’homme peut bien nier Satan; mais la Parole de Dieu en affirme haut et fort l’existence. Saint Mathieu va même jusqu’à nous dire que Jésus fut emmené au désert par l’Esprit « pour être tenté par le diable » (Mt 4,1). Je suis tellement heureux de savoir que Jésus a fait l’expérience de la tentation. À chacun ses tentations. Il m’est facile d’imaginer que les tentations qu’a vécues Jésus ont dû être  à la hauteur de sa stature, c’est-à-dire énormes. À la fin de l’épisode des tentations au désert, saint Luc nous dit que le diable s’éloigna de Jésus « jusqu’au moment favorable » (Lc 4,13). Nous savons que ce moment favorable, c’est le début de la Passion de Jésus, dans le jardin des oliviers. C’est là que Jésus connaîtra la plus grande de toutes ses tentations et qu’Il mènera à nouveau le grand combat de la prière; combat qu’Il vaincra justement par la prière. Quel autre exemple extraordinaire Jésus ne nous a-t-il pas donné en cette nuit sainte !

Je ne sais pas si vous avez déjà vu le film de Mel Gibson intitulé : « The Passion of the Christ » (La Passion du Christ). Ce n’est pas un film que je recommanderais à tous; mais c’est un film assez extraordinaire. Ce film a le mérite (certains ont dit «le défaut ») de nous montrer à quel point Jésus a souffert durant sa passion. Or le film commence précisément dans le jardin des oliviers, le jardin de Gethsémani. Jésus est en prière; le silence règne dans le film et dans la salle. Soudain, nous entendons un bruit énorme et sourd. Les gens dans la salle du cinéma sursautent et se demandent ce qui se passe. Nous voyons alors le pied de Jésus qui vient d’écraser le serpent, le tentateur. Cette scène est d’un symbolisme et d’une force extraordinaires. Selon moi, quiconque l’a vue, ne peut l’oublier. Le message est clair : devant la tentation, pas de choix possible pour le chrétien : il faut agir et agir vite et fort. Jésus n’a pas louvoyé avec la tentation. Il y a fait face avec énergie et courage. Essayons, spécialement durant ce carême, d’imiter notre divin Maître. 


(1) 
La dernière demande à notre Père est aussi portée dans la prière de Jésus: " Je ne te prie pas de les retirer du monde mais de les garder du Mauvais " (Jn 17, 15).  ...   Dans cette demande, le Mal n’est pas une abstraction, mais il désigne une personne, Satan, le Mauvais, l’ange qui s’oppose à Dieu. Le " diable " (dia-bolos) est celui qui " se jette en travers " du Dessein de Dieu et de son " œuvre de salut " accomplie dans le Christ. " (Catéchisme de l'Église catholique, nos 2850 et 2851)

mardi 21 février 2012

Bon et joyeux carême !

Bon et joyeux Carême !
Le combat de Jacob avec l'ange, par Eugène Delacroix  (1)

Chers amis, dans quelques heures, nous entrerons en Carême. Je vous souhaite un saint et fructueux Carême. Le Carême est un des deux temps forts de l’année. Nous sommes donc invités à devenir plus forts dans la foi, plus constants dans l’amour. Nous commencerons le Carême par un jour d’abstinence (abstention de viande) et de jeûne. Le jeûne a toujours eu comme but de fortifier notre volonté. Si je me prive volontairement d’un plaisir légitime, je renforce ma capacité de décision. Si je me prive volontairement de nourriture dans le but de renforcer ma volonté, mon corps pourra en ressortir plus faible, mais mon âme (l’élément spirituel en moi) plus forte. Il est important d’exercer sa volonté comme nous exerçons notre corps. La philosophie nous enseigne que l’amour réside dans la volonté; autrement dit, c’est la volonté qui est à la source de l’amour. Notre société est une société qui valorise au maximum le corps; que de sacrifices les gens de notre époque ne font-ils pas pour avoir un corps splendide ou un corps musclé? Si on mettait autant d’énergies à exercer notre volonté, à augmenter notre capacité à renoncer à certaines choses pour mieux aimer, comme notre monde serait plus beau, plus accueillant ! Et comme il ferait bon y vivre !

Le mercredi des cendres, notre Mère l'Église nous fait prier ainsi:


" Accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entraînement au combat spirituel: que nos privations nous rendent plus forts pour lutter contre l'esprit du mal." (Prière d'ouverture à la messe, aussi appelée: " collecte ")


Et les deux invitatoires (nom donné à l'antienne que l'on prie en début de journée lors de la prière du temps présent et qui nous " invite " à la prière) suggérés par l'Église pour le temps du Carême, sont les suivants:


" Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu."


et


" Aujourd'hui, ne fermons pas notre coeur, mais écoutons la voix du Seigneur. "


La vie chrétienne est un combat, un combat sur nous-mêmes, un combat mené avec notre grand ami et Sauveur Jésus. Si on ne sait pas cela de la vie humaine, on ne sait vraiment pas grand chose de la condition humaine. Heureux ceux et celles qui savent cela !!!   Et merci à l'Église de nous le rappeler haut et fort, surtout durant le temps du Carême.

Bonne montée vers Pâques !!!



mardi 7 février 2012

Le 11 février: journée mondiale des malades

Le 11 février : journée mondiale des malades


Le 11 février, nous célébrerons le vingtième anniversaire de la journée mondiale des malades. C’est le pape Jean-Paul II qui a eu cette merveilleuse idée de dédier une journée spéciale pour les malades. La maladie touchera chacun de nous un jour ou l’autre et qui ne connaît pas dans son entourage immédiat une personne malade et même gravement malade? La maladie est malheureusement une des réalités les plus universelles qui soient. Il était donc normal qu’une journée mondiale des malades soit instituée. Et c’est une fois de plus le grand Jean-Paul II qui en a eu l’intuition et qui l’a réalisée. La date choisie par Jean-Paul II est très symbolique : le 11 février, l’Église universelle célèbre Notre-Dame de Lourdes. Le 11 février 1858, la Vierge Marie apparaissait pour la première fois à la jeune Bernadette Soubirous. Le sanctuaire de Lourdes voulu par Dieu et par Marie reçoit annuellement environ cinq millions de visiteurs, de 130 pays. Ce sont les malades qui sont particulièrement attirés par Lourdes et qui viennent y prier. On nous dit que quoique les guérisons miraculeuses s’y produisent, le plus grand des miracles est que chaque malade retourne chez lui ou chez elle avec un cœur consolé et rempli d’espérance.


Cette année, la journée mondiale des malades est enchâssée entre deux dimanches où l’on voit Jésus guérir des malades. Cela tombe bien. Dimanche dernier, la première lecture nous présentait l’admirable figure biblique qu’est Job. Le livre de Job est le livre biblique par excellence en ce qui a trait à la souffrance. Comme le dit si bien madame Marie-Noëlle Thabut dans ses commentaires des lectures du dimanche, le grand mérite du livre de Job est de bien poser la question de la souffrance et de ne pas se satisfaire des réponses faciles et creuses que les amis de Job ont essayé de lui donner. Devant la souffrance des autres, souvent la meilleure attitude est le silence. Sur son lit de mort, le cardinal Veuillot, archevêque de Paris, disait : « Nous savons faire de belles phrases sur la souffrance. Moi-même, j’en ai parlé avec chaleur. Dites aux prêtres de n’en rien dire; nous ignorons ce qu’elle est, et j’en ai pleuré. »  


Je ne vous dirai donc pas ce que je pense de la souffrance mais je vais essayer de jeter un tant soit peu de lumière sur la façon dont Dieu voit la souffrance. Pour savoir comment Dieu voit la souffrance, il nous faut regarder Jésus, Dieu lui-même fait homme. Une très grande partie des évangiles est constituée de miracles accomplis par Jésus pour alléger la souffrance et même y mettre fin pour un certain temps. Voilà comment Dieu voit de l’intérieur la souffrance de ses enfants : il ne peut pas en quelque sorte la tolérer. Dieu souffre de voir souffrir ses enfants. Il y a un verbe que les évangiles ne cessent d’employer pour décrire la façon dont Jésus se sentait devant la souffrance des gens; on nous dit que Jésus « avait pitié des gens ». Cette traduction n’est vraiment pas très bonne. Il faudrait trouver un moyen de mieux rendre le sentiment que Jésus éprouvait devant la souffrance de ses frères et sœurs humains. Voici comment s’exprime un jeune bibliste de Montréal, M. Sébatien Doane :  


« Pitié : Hébreu : rahamim ; Grec : splanchna ou éléos. La pitié est un sentiment qui rend sensible aux souffrances. Pour traduire ce concept abstrait, l’hébreu biblique va prendre le mot « rahamim » qui veut dire littéralement : le sein maternel, l’utérus ou les entrailles. On en comprend que la pitié dans la Bible est comme le lien viscéral entre une mère et l’enfant en elle. Cette image de l’amour plein de tendresse d’une mère pour son fils traduit par pitié est utilisée à plusieurs endroits dans la Bible pour décrire le regard de Dieu sur son peuple. Malheureusement avec l’usure, aujourd’hui, les mots pitié, compassion ou miséricorde en français décrivent mal toute l’émotion et l’intimité du mot « rahamim » hébreu.  Dans le Nouveau Testament, c’est «splanchna» qu’on traduit par pitié. Littéralement, ce mot veut dire « entrailles ». En grec on dit qu’on a des entrailles pour quelqu’un pour exprimer l’idée d’être ému et d’éprouver un sentiment intense de compassion. À plusieurs reprises, c’est la façon dont on décrit le regard de Jésus pour une personne malade ou une foule. « En débarquant, il vit une grande foule; il fut pris de pitié (ému aux entrailles) pour eux et guérit leurs infirmes. » (Mt 14, 14) »  (1)


Cette longue citation de Sébastien Doane nous montre à quel point il est utile de connaître le grec et l’hébreu. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus a dit que si elle avait été prêtre, elle aurait étudié et connu l’hébreu et le grec pour pouvoir lire les Saintes Écritures dans leur langue originale. Cette sainte était vraiment perspicace et illuminée. Malheureusement, nous n’avons pas tous le courage de celle qu’on appelle parfois « la plus grande sainte des temps modernes ». Quoi qu’il en soit, pour exprimer la façon dont Jésus se sentait devant la souffrance, je propose de traduire les mots : « Jésus eut pitié » par « Jésus fut tout remué au-dedans de Lui ». Ce n’est pas fameux comme traduction, me direz-vous; mais c’est mieux à mes yeux tout au moins. 

Je me rends compte que le temps passe et que je ne pourrai pas tout dire sur la façon dont je vois la souffrance en Dieu. Mais je vais quand même prendre le temps de dire ceci : selon moi, la phrase la plus forte et la plus énigmatique que Jésus ait prononcée sur cette terre est celle-ci : « Élôï, Élôï lama sabachthani ? » (Mc 15, 34). Nous avons conservé cette phrase dans la langue même de Jésus : l’araméen. N’est-ce pas un signe de l’importance exceptionnelle de cette phrase? En français, nous la traduisons ainsi : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Saint Marc nous dit : « À la neuvième heure, Jésus poussa un grand cri : «  Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Tous les mots ici sont importants : Jésus poussa un grand cri. Comme il a dû être impressionnant ce cri de Notre Seigneur! Je suis sûr que ceux et celles qui l’ont entendu, s’en sont souvenus toute leur vie; à commencer par Marie, sa Mère, debout au pied de la croix. Par cette phrase, Jésus intégrait et présentait au Père tous les « pourquoi » de ceux et celles qui souffrent. Tous les pourquoi restés sans réponse; tous les pourquoi qui se perdent dans la nuit, qui se perdent dans l’oubli. Dieu a voulu connaître ce que c’était que de se sentir abandonné et de crier sa souffrance. Il est beau de constater qu’en cette année 2012 au Québec, le thème de la journée mondiale des malades est le suivant : « Entends le cri de ma prière. »

Jésus qui toute sa vie avait prié son Père en l’appelant « Abba », « papa », expérimente sur la croix l’éloignement de Dieu et ne peut plus que l’appeler « Mon Dieu, mon Dieu ». Mais ce sentiment intense d’éloignement disparaîtra quelques minutes avant la mort de Jésus et notre sauveur retrouvera toute sa confiance filiale. Juste avant de rendre l’esprit, il priera ainsi : « Père (abba), entre tes mains, je remets mon esprit. » (Lc 23, 46) Il semble bien que saint Luc a voulu montrer que Jésus avant de mourir a retrouvé toute sa confiance envers son Père puisque lui aussi parle de « cri » : « Jetant un grand cri, Jésus dit : « Père, en tes mains je remets mon esprit. »

Je remercie tous ceux et celles qui consacrent du temps à visiter les malades et à être pour eux un signe efficace de la bonté et de la bienveillance de Dieu notre Père envers tous ceux qui souffrent.